L'orientation avec la clientèle émergente

Une démarche d'orientation avec une personne Asperger : le temps et le rythme

Bonjour à tous !

Dans mon billet du 28 septembre, je vous décrivais les principales caractéristiques du syndrome d'Asperger. Dans le billet suivant, je vous ai parlé des difficultés d'insertion en emploi pour les personnes ayant ce syndrome. Aujourd'hui, je vais m'attarder aux particularités de la démarche d'orientation en
me basant sur un cas réel mais anonyme. Bien entendu, la prudence sera de mise car chaque personne est unique et on ne pourra pas généraliser cette illustration à toutes les personnes Asperger. Mais j'ose croire que ce récit vous donnera de bonnes pistes. 


Prenons l'exemple de Jean-François (nom fictif), un étudiant en arts et lettres que je rencontre depuis l'automne 2011. Il a commencé ce programme car il aime écouter des films et lire des livres. Le programme d'arts et lettres semblait lui permettre de faire des activités qu'il aime. Toutefois, plusieurs cours lui ont été difficiles : les travaux pratiques le sortent de sa routine, ce qui l'insécurise. Les travaux d'équipe lui sont très exigeants, car il n'a pas d'amis et travaille habituellement seul. Les examens lui causent beaucoup d'anxiété, car il craint continuellement de ne pas être à la hauteur. Finalement, il ne sait pas quel métier il pourra faire plus tard et ne sait  pas s'il est dans le bon programme. Il n'a jamais eu d'expérience de travail et
il est très difficile pour lui de faire de l'introspection puis de se projeter dans l'avenir.


... Pas évident... !

J'en suis à ma 16e rencontre avec lui et je sens qu'il commence à retenir des choses significatives de notre démarche. Vous aurez compris une première particularité d'une démarche d'orientation avec une personne Asperger  : le temps et le rythme. À l'intérieur d'une rencontre, nous abordons moins de sujets qu'avec les autres étudiants. Chaque rencontre débute par une discussion où je l'écoute sur ses différentes préoccupations, pas nécesairement liées à son choix de carrière. Les personnes Asperger sont généralement anxieuses et il est peu productif de les faire travailler si leur esprit est accaparé par autre chose. Cela peut prendre une vingtaine de minutes avant que j'aie pu l'informer ou le rassurer sur les choses qui le préocuppaient. Une fois qu'il est disponible à recevoir des nouvelles « données », on se met au travail.
Mais je demeure attentive à mon rythme. Je le laisse beaucoup écrire les choses dont nous parlons. Le traitement de l'information verbale est souvent plus difficle pour les Asperger. Le suport visuel aide. Jean-François note toutes les informations que je lui donne et note ses réflexions. Ensuite, je prends aussi du temps pour lui rappeler les prochaines étapes à venir. Les personnes Asperger ont besoin d'un cadre très clair. Je tente le mieux possible de lui dire combien de rencontres sont à venir à l'intérieur de la session et les sujets que nous aborderons ensemble.  Enfin, l'idéal est de redonner un rendez-vous toujours à la même heure et le même jour de la semaine, ce qui le rassure beaucoup. Avec nos agendas bien remplis, c'est parfois un défi ! C'est la raison pour laquelle je réserve habituellement d'avance mes rencontres avec lui.

Ce qui est à retenir au début d'un processus d'orientation ?
1) Laisser du temps dans la rencontre pour que la personne nous exprime ses préoccupations, et ce, de tout ordre;
2) Laisser du temps à la personne pour « encoder » ce qui s'est passé durant la rencontre (laisser des silences, la laisser écrire, etc.);
3) Décrire le plus en détails possible la démarche qui sera faite : le nombre de rencontres, leur fréquence, leurs dates, les contenus abordés et les activités réalisées;
4) Etre très patient en se rappelant que ce qui se fait automatiquement dans notre cerveau se fait manuellement et consciemment pour elle.


Dans mon prochain billet, je poursuivrai le cas de Jean-François en vous parlant d'une autre importante particularité des personnes Asperger, la communication et la capacité d'introspection.

D'ici là, je vous souhaite de joyeuses fêtes et à bientôt !
Émilie Robert, c.o.

Être Asperger et se trouver un emploi

Dans mon précédent billet, je présentais les caractéristiques générales du syndrome d'Asperger et laissais entrevoir que ce trouble rendait très laborieuses la recherche et l'insertion en emploi. Bien qu'on se doute qu'une personne ayant des habiletés sociales réduites ait de la difficulté à décrocher un emploi, qu'est-ce que distingue la personne Asperger de la personne simplement peu habile ?

D'abord, quelques statistiques. Selon Müller, Schuler, Burton et Yates (2003), les personnes Asperger connaissent plus le chômage que la population en général. Elles se retrouvent aussi en plus grand nombre dans des emplois pour lesquels elles sont surqualifiées. Toujours selon ces mêmes auteurs, on estime à 10% le nombre de personnes Asperger réussissant à se trouver un travail. Autrement dit, 90% des personnes Asperger seraient en situation d'exclusion du monde du travail.
Pourtant, les personnes Asperger font d’excellents employés. Non seulement elles excellent habituellement dans un talent particulier, mais de par leur régime de vie rigide et encadré, elles sont très loyales, honnêtes et ponctuelles. Mais comme on peut le deviner, les personnes Asperger éprouvent des difficultés cruciales.

1) Il est très difficile pour elles de comprendre le processus de recherche d’emploi : comment rédiger un CV ? Quelles informations y écrire ? Tout mettre les détails, en mettre aucun ? Il est très difficle pour elles de se mettre dans la peau de l'employeur.

2) S’habituer à de nouvelles routines de travail : Une fois l'emploi obtenu, les premières semaines sont extrèmement difficiles. Apprendre rapidement à être productif dans un nouvel envrionnement qui a sa propre culture, son propre mode de fonctionnement, en plus de faire preuve de compétence et de rapididté au plan technique est très difficile.

3) Communiquer : Cela restera toujours le talon d'Achille des personnes Asperger : comment nouer un premier contact avec l'équipe de travail ? Comment donner et recevoir la rétroaction de l'emplolyeur ? Comment exprimer ses besoins, limites et comment faire valoir son potentiel ?

4) Naviguer dans les interactions sociales : On le sait, l'insertion et le maintien en emploi reposent en grande partie sur le réseau de contacts. La promotion et progression en emploi s'obtiennent certes grâce aux compétences mais également en fonction des alliances et relations qu'on établit. Les personnes Asperger sont fort probalement déficitaires à ce plan.

Ouf ! Tout qu'un défi de faire une démarche d'orientation dans ce contexte ! Auriez vous des idées, des pistes de solutions, des expériences à partager ?  Avez-vous vécu une expérience de counseling avec une personne Asperger sur laquelle vous aimeriez échanger ?

J'attendrai de vos commentaires !
Émilie Robert, c.o.

Référence :
Muller, E., Schuler, A., Burton, B.,& Yates, G. (2003). Meeting the vocational support needs of individuals with Asperger syndrome and other autism spectrum disabilities.
Journal of Vocational, Behavior, 18, 163-175.

Syndrome d'Asperger

Dans mon précédent billet, je parlais de différents troubles que nos étudiants peuvent éprouver, et plus particulièrement le syndrome d’Asperger. Mais qu’est-ce au juste ? Liane Holliday Willey(2007), une Américaine elle-même Asperger, écrit dans un livre autobiographique : « Ces gens qui ne trouvent jamais tout à fait leur voie sans pour autant la perdre tout à fait ». Je dirais que c’est le sentiment spontané que l’on a lorsqu’on amorce une démarche d’orientation avec une personne Asperger. C’est comme si la personne savait à la fois tout à fait ce qu’elle veut et pas du tout.
Plus scientifiquement, on définit généralement le syndrome d’Asperger comme un trouble du développement qui se caractéristique par un certain nombre de critères. Selon Gillberg (1991, cité dans Atwood, 2009), on identifie les personnes Asperger d’abord par des :
1) Difficultés à interagir avec les autres : indifférence au contact des autres, difficulté à interpréter les indices sociaux, comportement socialement et émotionnellement inapproprié);
2) Intérêts restreints;
3) Besoins compulsifs de mettre en place des routines qui affectent chaque aspect du quotidien de la personne;
4) Particularité de la parole et du langage;
5) Problèmes de communication non verbale : usage limité des gestes, langage corporel maladroit, expression faciale limitée ou inappropriée, regard particulier, voire, fixe;
6) Motricité maladroite.
Pour la personne Asperger, chaque apprentissage et chaque traitement de l’information exigent une action consciente, qu’on pourrait décrire comme manuelle par opposition à automatique. Cette contrainte neurologique rend très anxieux, car les personnes Asperger appréhendent constamment l’inconnu, où tout est à faire ou à refaire. C’est souvent une routine stricte qui les encadre et les rassure. La rigidité typique des personnes Asperger est souvent la meilleure façon qu’elles ont trouvée pour gérer l’anxiété causée par le fait de vivre dans un monde incohérent. Et s’il y a bien quelque chose d’incohérent et contradictoire dans la vie, c’est bien l’être humain ! Pas surprenant que la principale difficulté des Asperger concerne les interactions sociales. La vie sociale exige beaucoup de traitement d’information, à la fois le contenu manifeste d’un échange, mais les règles sociales implicites, le non verbal, les émotions. Atwood (2009) nous livre une éloquente métaphore pour illustrer l’expérience de la personne Asperger : c’est comme de devoir faire un casse-tête sans avoir vu l’image sur la boîte. L’essai et erreur est très grand…  Compte tenu de l’exigence que représentent le choix de carrière et l’insertion en emploi, on peut comprendre que les décisions vocationnelles sont particulièrement complexes pour ces personnes. Mais en quoi ? Qu’en diriez-vous ? J’attends vos réactions, expériences et commentaires !
Émilie Robert, c.o.
Références :
Atwood, Tony (2009). Syndrome d’Asperger, guide complet, De Boeck.
Holliday Willey, Liane. (2007). Vivre avec le syndrome d’Asperger, Chenelière Éducation.

Intervenir auprès d'étudiants en situation de handicap, en quoi est-ce différent ?

Plusieurs de mes collègues conseillers d'orientation s'interrogent sur l'éventuelle croissance d'une population étudiante ayant des troubles et besoins particuliers. Certains s'inquiètent de manquer de temps, d'autres, de ressources et d'information pour bien intervenir auprès de ces clients. Afin de nous entraider, voici une premier billet qui a pour but de susciter la réflexion et l'échange.

Premièrement, en quoi est-ce différent d'intervenir auprès d'une telle clientèle ? Selon mon expérience, il y aurait 3 grandes catégories de démarches d'orientation que j'effectue avec les étudiants en situation de handicap.

1) Celles pour lesquelles il n'y a pas de différence. Comme tous les autres clients, les étudiants en situation de handicap sont uniques, ont des ressources, des limites et une personnalité qui leur est propre. Ils s'engagent dans une démarche d'orientation avec l'espoir de trouver une solution et font les efforts nécessaires. Ce sera notamment le cas de la majorité des étudiants qui ont un trouble d'apprentissage (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie). Ils devront évidemment s'assurer de choisir un parcours scolaire qui leur convient et de se doter de mesures pouvant les aider à réussir, sans que leur choix vocationnel n'en soit plus complexe.

2) Il y a des démarches d'orientation se vivent de la même manière qu'avec les autres étudiants, mais les options d'études ou de carrière nécessiteront des adaptations. C'est le cas notamment des étudiants ayant des limitations fonctionnelles, ayant différents problèmes neurologiques ou difficultés situationelles.

3) Enfin, il y a des démarches d'orientation qu'on doit complètement remodeler. Les étudiants avec lesquels cette réalité est la plus frappante sont les étudiants qui ont un trouble du spectre de l'autisme, pour lesquels la façon d'être en relation est très différente. Aussi, les étudiants qui ont un trouble de santé mentale n'auront souvent pas le niveau d'énergie ou de disponibilité affective pour faire une démarche d'orientation que j'appelle classique. De prime abord, la première chose qui change est le temps. Ces démarches sont beaucoup plus longues et évoluent à un rythme beaucoup plus lent, avec de fréquents retours en arrière.

C'est donc à propos de ces derniers étudiants et plus spécifiquement ceux ayant un trouble du spectre de l'autisme que je vous écrirai dans un prochain billet. D'ici là, j'attends vos questions et commentaires à propos de cette clientèle de plus en plus présente dans nos collèges et qui, bonne nouvelle, réussit très bien au collégial.

À bientôt !
Émilie Robert, c.o.

Bienvenue sur le blogue de l'orientation et les clientèles émergentes !



Bienvenue sur le nouveau blogue Orientation et clientèle émergente !

Ce blogue se veut un lieu virtuel d'échange, de partage d'information et de réflexion pour tout professionnel de l'orientation scolaire et professionnelle. Il est fait en collaboration avec l'Association des c.o. du collégial (ACOC). Son objectif ? Répondre à un besoin de co-développement professionnel au sujet d'une nouvelle clientèle de plus en plus importante dans les collèges. L'orientation auprès de personnes en situation de handicap ou ayant des problèmes de santé mentale semble préoccupante pour la majorité des intervenants. Face à des clients qui ont des besoins particuliers, notre approche, nos objectifs de travail habituels et nos outils de travail conventionnels ne conviennent pas toujours. Une adaptation s'impose, mais comment ? Par où commencer ? 

Pour ma part, je travaille depuis quelques temps exclusivement avec une clientèle en situation de handicap ou ayant des problèmes de santé mentale au Collège Montmorency. En voyant le besoin d'échange de mes collègues, j'ai eu le goût d'animer ce blogue où je vous partagerai à la fois mes expériences et recevrai vos commentaires et idées. Chaque billet aura un thème, sur lequel je vous inviterai à commenter, poser des questions et partager vos expériences, nous donner des liens Internet, déposer des documents en ligne, etc. 

Pour lancer la réflexion, je vous invite à nous faire part de ce que vous connaissez de la clientèle émergente. Que comprenez-vous de la situation des gens qui en font partie ? En quoi leurs besoins sont différents de ceux de la clientèle régulière ?

Pour alimenter votre réflexion, je vous suggère d'aller consulter les sites suivants : Comité interordres  (nouvelles populations en situation d'handicap) et www.fmm-mif.ca  . Vous trouverez une mine d'or d'informations sur les différents troubles et diagnostics.

J'ai très hâte d'échanger avec vous !
À bientôt !
Émilie Robert, c.o.